"C'est l'Inde, très clairement l'Inde, mais une autre Inde. Tout aussi chaotique et confuse, certes, mais plus détendue, voire plus souriante. Quatrième agglomération indienne par la taille et capitale de l'Etat de Tamil Nadu, Chennai n'exhale hélas plus rien des parfums d'épices que son ancien nom, Madras, ne manquait d'évoquer.
L'Etat tout entier semble dédié à la ferveur et à la dévotion. Chennai, Kanchipuram, Mamallapuram, Tiruchurappalli, Madurai… Une litanie de noms de lieux saints, un chapelet de temples multicolores hérissés de gopurams, ces tours pyramidales où d'innombrables divinités énigmatiques se disputent les cieux avec d'aussi innombrables créatures grimaçantes. La paisible Pondichéry, ancien comptoir de la Compagnie Française des Indes Orientales, fière de son passé colonial, n'offre qu'un bien maigre répit à ceux à qui les cohortes de fidèles, les chants sacrés et les volutes d'encens donnent le tournis.
D'une côte à l'autre, en passant par les hautes terres de l'intérieur, riches en épices, le changement de décor est radical. Courant le long du littoral kéralais, d'une douce beauté et le doublant sur plus de deux cents kilomètres, les backwaters constituent un complexe réseau de lagunes saumâtres, de lacs, de rivières, de canaux naturels et artificiels où l'eau, le ciel et la terre se mêlent subtilement. Métropole principale de la région et de l'Etat du Kerala, Kochi a amplement débordé de son berceau, l'île de Fort Cochin. Les filets de pêche chinois, vestiges encore actifs d'une époque révolue, y narguent la modernité du port qui s'avance de plus en plus dans la mer.
Une fois de plus, le sacré n'est pas très loin. Art typiquement kéralais, le kathakali allie le théâtre, la danse et la musique dans des représentations, souvent longues de plusieurs heures, illustrant divers épisodes des principales épopées sacrées de l'hindouisme, le Mahabharata et le Ramayana. Le jeu de scène, hautement codifié, voit les comédiens, savamment costumés et grimés, interpréter toute une palette de personnages : dieux, démons, brahmanes, princes, princesses, brigands...
Mysore, autrefois siège d'un puissant et fastueux royaume, n'est qu'une étape pour qui désire aller à la rencontre du riche patrimoine du Karnataka. Et pourtant, sa douceur de vivre et son fabuleux marché, plus que le prétentieux et kitschissime palais du sultan, invitent à y passer un agréable moment de flânerie.
Monumentalement et majestueusement inscrite dans la pierre, la foi se vit aussi, et surtout, au quotidien. A côté des pèlerins, les temples de Belur et Halebid accueillent fréquemment les équipes de tournage des fresques bollywoodiennes dont les Indiens sont si friands. A Sravanabelagola, la statue de Gomateshvara, fondateur du jaïnisme, toise avec bienveillancedu haut de ses dix-neuf mètres, les fidèles qui se pressent pour se faire bénir.
Situé dans les confins arides du plateau du Deccan, le site de Hampi témoigne avec force et raffinement de la puissance du dernier grand royaume hindou, celui de Vijayanagar. Au milieu des éboulis, sur un terrain accidenté, s'égrènent les ruines émouvantes de palais et de temples, certains encore en activité, poursuivant l'éternel cycle des réincarnations cher aux hindous."
en lire plus...
"Neuf ans. Neuf ans sans Inde, et même légèrement plus sans Inde du Nord. Non que tout contact ait été coupé, ni par manque d'intérêt, que du contraire.
Aura-t-elle tant changé entre-temps ?
Force est de reconnaître que non, au contraire. Certes, les téléphones portables sont maintenant omniprésents mais, pour le reste, le chaos, le grouillement, le tourbillon des odeurs et des couleurs, la crasse sont toujours les mêmes. Le vieux Delhi populaire est resté la même fourmilière affairée aux ruelles enchevêtrées et tortueuses que j'avais découverte il y a près de vingt ans. Les quelques moments de calme savourés auprès des mausolées moghols de la ville sont un agréable prélude à la découverte de ces Etats méconnus du Madhya Pradesh et du Gujarat où, étonnamment, je serai souvent le seul blanc à m'émerveiller de la richesse de sites inscrits au Patrimoine de l'Humanité.
De l'imposante forteresse de Gwalior au plateau de Mandu, jadis capitale florissante d'un fastueux royaume musulman, d'Orchha l'hindoue, où les temples, palais et cénotaphes jalonnent le cours de la Betwa, au grand stupa de Sanchi, témoin de la volonté de l'empereur Ashoka de convertir l'inde au bouddhisme, l'histoire du Madhya Pradesh, sans cesse tiraillé entre les grands empires et les puissances locales, se matérialise dans la pierre, faisant écho à celle de l'Inde toute entière.
Il serait injuste de ne voir en Ahmedabad, ancienne capitale du Gujarat et sixième ville d'Inde, qu'une mégalopole bruyante et surpeuplée. Ce serait sans compter avec le charme et l'âme de sa labyrinthique vieille ville, assemblage de bric et de broc de vieille demeures décaties, de temples, de mosquées, d'arrière-cours où jouent les enfants.
L'aridité de la région - il n'y pleut quasiment que durant la relativement faible mousson estivale - a forcé de tout temps les Gujaratis, comme leurs voisins rajasthanis, à mettre en œuvre une gestion des ressources hydriques basée sur un astucieux système de puits à degrés, merveilleuses dentelles de pierre descendant dans les profondeurs de la terre sur parfois sept niveaux."
en lire plus...